Le service Support IT : parent pauvre de la gestion des changements

Réintégrer le Support IT au cœur de la gestion des changements ITSM : un levier sous-estimé pour des mises en production maîtrisées et orientées client.
Le support informatique est l’un des rares pôles de la DSI à être en contact quotidien et direct avec les utilisateurs finaux. Il connaît leurs irritants, leurs besoins, leurs habitudes et surtout leur niveau de maturité numérique. Pourtant, lors des mises en production, ce référent de la réalité terrain est encore trop souvent tenu à l’écart.
Un paradoxe quand on sait que 90 % des incidents en production sont liés à des changements mal maîtrisés. Dans un contexte de transformation numérique où l’on prône le “client centric”, il devient impératif de repositionner le support comme acteur stratégique de la chaîne de valeur IT.
Highlight : le support IT doit passer du rôle de “réparateur” à celui de partenaire stratégique de l’adoption du changement.
1/ La gestion des changements selon ITIL : cadre de référence et rôle du CAB (Change Advisory Board)
ITIL définit la gestion des changements comme le processus permettant d’assurer que les modifications apportées à l’environnement IT sont faites de manière contrôlée, tout en minimisant les risques. Elle distingue plusieurs types de changements (standards, normaux, urgents) et prévoit une évaluation systématique de leurs impacts.
Dans cet environnement ITSM, un chef d’orchestre pilote le tout : le gestionnaire des changements.
Il évalue, planifie, communique et s’assure que toutes les parties prenantes sont alignées.
Ce rôle est souvent tenu par le responsable de la production, un profil diablement technique … mais comme on le sait, les dimensions humaines et organisationnelles sont rarement de son ressort.
Parlons également du CAB ! Le Change Advisory Board (ou comité des changements), est l’organe décisionnel qui valide les changements dits « normaux » (les standards sont connus et quasi-automatisés, les urgents passent hors processus).
Il est souvent composé de représentants de la production, de la qualité, de la sécurité, et parfois des AMOA.
Mais le support y est rarement représenté … Pourtant, il détient des informations clés sur la maturité des utilisateurs, leur capacité à s’approprier le changement et les points de friction prévisibles.
2/ Move to Run : inclure le Support dans la chaîne du changement
a. Les risques humains du changement
Highlight : Tout changement technique implique une transformation des usages quotidiens.
Le Support, interlocuteur privilégié des usagers au sein de la DSI (80% des interactions Métiers-DSI se fait à son niveau), peut anticiper les freins à l’adoption grâce à sa connaissance des habitudes, des contextes métiers et des profils utilisateurs.
Ignorer ces signaux, c’est courir le risque d’un rejet, ou pire, d’un contournement des nouvelles solutions.
Lors des phases de conduite du changement opérées par l’AMOA, l’expertise du Support est un levier qui doit nécessairement être activé … ne serait-ce que parce qu’ils seront en premières lignes suite à l’établissement du changement !
De même, la recette fonctionnelle a évolué. Nous identifions désormais 2 typologies de tests orientés usagers :
- Tests end-to-end : bout-en-bout, déroulés par les équipes techniques
- Tests UAT (User Acceptance Testing) : bout-en-bout, déroulés par des équipes AMOA/métiers
Lors des tests UAT, les irritants et cas d’usages du quotidien ressortent … Qui de mieux que le Support pour dérouler (ou bien à minima suivre) que le produit fonctionne comme attendu sur le terrain ?
Enfin, n’oublions pas un point structurant : l’adoption du changement.
Un plan de conduite du changement doit s’appuyer sur la cartographie des impacts et la réalité des utilisateurs. Qui mieux que le support pour aider à définir les bons formats (ateliers, guides, FAQ) et le bon moment pour accompagner la bascule ?
C’est un changement de paradigme pour le Support informatique !
Nous l’invitions ici à davantage s’intégrer dans les notions de projet afin de faire valoir la Voix des Clients (le Lean Management parle de Voice Of Customers).
b. Le rôle du Support dans le CAB : vers une gouvernance partagée
1. Le support, ambassadeur privilégié des utilisateurs
Le support est souvent responsable du pilotage des populations dites de Correspondants/référents informatiques pour faire remonter des problématiques, activer la proximité terrain et relayer les bonnes pratiques.
Au-delà d’une proximité client forte, le support maitrise les parcours utilisateurs sur le bout des doigts. Il est capable d’identifier les moments clés où un changement peut générer un effet positif.
Nous le savons, une mise en production bien accompagnée peut devenir un vrai levier de satisfaction. Il s’agit de l’actionner convenablement pour ne pas rater l’exercice.
Une fois l’ensemble des éléments de parcours utilisateurs gérés, vient la validation de l’adoption des nouveaux usages par les utilisateurs.
Le support peut valider que les KPIs d’adoption envisagés sont réalistes, en lien avec la maturité numérique observée. Il est alors garant d’un déploiement pragmatique et soutenable.
2. La planification des changements avec le support
Le support est directement impacté par les saisonnalités des Métiers.
Sa participation à la planification permet d’éviter les périodes sensibles et d’optimiser les fenêtres de déploiement, en phase avec les contraintes terrain.
En tant que principal garant de la communication auprès des utilisateurs, le support est un allié de choix pour affiner la communication et relayer les messages adaptés.
Le but est évident : renforcer l’adhésion au changement.
Selon nous, un droit d’alerte voire de véto sur les changements critiques devrait d’ailleurs être octroyé au manager du Support. Son équipe aura en effet la charge de gérer des incidents et mécontentements futurs …
Cela fait donc sens ! Puisqu’il s’agit de sécuriser l’expérience utilisateur avant tout.
c. Actions post-CAB : suivi, adoption, satisfaction
Parce que la réussite d’un changement se mesure à l’appropriation durable des utilisateurs. Le support doit donc être pleinement intégré dans le suivi post-CAB pour maximiser l’impact du projet.
Il peut co-piloter la communication en enrichissant les messages avec des retours terrain, en proposant des formats adaptés (micro-formations, tutoriels, FAQs) et en anticipant les questions récurrentes pour limiter les frictions, quel que soit la stratégie de conduite du changement adoptée : big-bang, phase pilote, déploiement progressif, …
Le support joue également un rôle clé dans le suivi de la satisfaction par l’analyse des tickets post-déploiement. Ceux-ci permettent d’identifier les signaux faibles, d’ajuster les dispositifs d’accompagnement et de corriger les écarts entre les attentes projet, la perception réelle des utilisateurs.
En étant impliqué de bout en bout, le support devient un acteur d’amélioration continue, capable de renforcer la posture “Customer Success” de la DSI et d’assurer que chaque changement soit un levier de transformation durable.
Conclusion : Vers une nouvelle culture de la réussite utilisateur
Réintégrer le support dans la gouvernance des changements, c’est plus qu’un ajustement opérationnel : c’est un changement de culture.
Cela revient à reconnaître que la réussite d’un projet ne se mesure pas uniquement à sa mise en production, mais à son appropriation effective par les utilisateurs.
Nous portons haut et fort que le Support informatique doit devenir un Customer Success Manager.
La DSI de demain est celle qui saura activer ce levier pour mieux délivrer, mieux écouter, mieux servir. Elle pourra alors, enfin, se positionner comme partenaire stratégique au sein de l’organisation.