En tant que DSI ou responsable du support informatique de votre entreprise, vous vous engagez sur des niveaux de service. Pour piloter cette activité et rendre des comptes à votre hiérarchie, vous utilisez des chiffres, des indicateurs ayant vocation à objectiver les réalités opérationnelles et la qualité du service rendu aux utilisateurs. Mais dans tous les indicateurs que vous suivez, avez-vous de vrais KPI — c’est-à-dire des indicateurs qui reflètent la performance de votre service et démontrent la valeur qu’il apporte à l’entreprise ?

 

1/ De quelle performance parle-t-on ?

 

En première acception, « performance » désigne le résultat obtenu dans un domaine donné, mesuré par rapport à un objectif, à une norme ou à d’autres résultats comparables. Le terme désigne aussi la capacité d’une personne, d’un groupe ou d’un système à atteindre un haut niveau d’efficacité ou de réussite, que ce soit dans le sport, le travail, l’art ou d’autres activités.

Le biologiste Olivier Hamant introduit une dimension supplémentaire en définissant la performance comme la somme de l’efficacité et de l’efficience. Si l’efficacité consiste à atteindre l’objectif, l’efficience est ce qui permet d’y parvenir en mobilisant le moins de moyens/ressources possible. Et si vous y réfléchissez, c’est exactement ce que votre direction générale ou direction financière attend de vous — avec un effet pervers qui frappe toutes les activités considérées comme un centre de coût : l’objectif de faire toujours plus avec moins. Dans votre cas, cela signifie vous engager sur des niveaux de service et de qualité de service toujours plus élevés, sans ressources supplémentaires et si possible avec moins… C’est un cercle vicieux dont vous ne pouvez sortir qu’en démontrant que votre service de support est créateur de valeur pour les utilisateurs et in fine pour toute l’entreprise. Et c’est précisément pour cela que vous avez besoin de vrais KPI.

 

2/ Tous les indicateurs ne sont pas des KPI !

 

Dans le support IT comme dans tous les métiers, l’acronyme KPI est utilisé un peu à tort et à travers pour désigner tous les comptages, minutages et autres « metrics » servant à mesurer la productivité, rendre compte de l’efficacité opérationnelle et piloter les opérations au quotidien. Tous ces éléments de mesure ont une seule et même finalité : vous aider à savoir à tout moment où vous en êtes et à voir où vous allez, compte tenu des ressources dont vous disposez et de vos objectifs quantitatifs, qualitatifs et stratégiques. Ce ne sont pas pour autant des KPI. En revanche, ils sont la matière indispensable pour construire des KPI pertinents.

  • >> En théorie, un KPI n’est jamais un chiffre brut : c’est un chiffre élaboré – un taux, une moyenne, un pourcentage, un score… – qui synthétise plusieurs informations et qui doit permettre de tracer une évolution.
  • >> Simple ou complexe, un KPI n’a de sens que rapporté à une norme externe ou à un objectif interne clairement défini.
  • >> Enfin, un KPI ne sert pas à mesurer ; il sert avant tout à éclairer vos décisions et à orienter vos actions en fonction de vos priorités.

La plupart des organisations de support IT cultivent une vision très opérationnelle et quantitative de la performance. C’est une tendance fortement encouragée par les quantités inédites de données fournies par les outils de gestion et de traitement de tickets. De fait, il est plus facile que jamais de connaître à la milliseconde les temps de prise en charge et de traitement des demandes, de savoir exactement combien de tickets chaque technicien traite par jour et le nombre de tickets en attente de résolution. Malheureusement, tout cela ne dit rien de la dimension qualitative du service rendu, de la manière dont il est perçu par ceux à qui il s’adresse et ceux qui le rendent, de sa contribution au bon fonctionnement et à la performance de l’entreprise. Il en résulte une vision déséquilibrée de la performance qui pousse à se focaliser encore plus sur des critères quantitatifs et, ce faisant, à perdre de vue la raison d’être du support informatique.

 

3/ Quand vos indicateurs se transforment en piège

 

Bien sûr que vous avez besoin de mesures et d’informations quantitatives ! Mais n’oubliez jamais que ces éléments ne représentent qu’une partie de la réalité et que, malgré leur apparente objectivité, un certain nombre de biais cognitifs et comportementaux peuvent en faire des armes à double tranchant. Deux « lois » formulées dans les années 1970 décrivent ce phénomène. La loi de Campbell doit son nom au psychologue Donald T. Campbell et s’énonce de la manière suivante :

« Plus un indicateur quantitatif est utilisé pour la prise de décision, plus il a de chance de fausser et corrompre le processus qu’il a pour objet de surveiller. »

Cette loi met l’accent sur le piège que peut représenter un dispositif de pilotage qui se limiterait à des indicateurs quantitatifs – a fortiori à de simples mesures et comptages. Pour comprendre comment opère la loi de Campbell, il faut se référer à la loi de Goodhart (du nom de l’économiste Charles Goodhart) :

« Quand une mesure devient la cible, elle cesse d’être une bonne mesure. »

Cela signifie qu’au lieu de mesurer pour savoir où vous en êtes et agir pour améliorer le processus, votre priorité devient d’améliorer le résultat de la mesure et non le processus lui-même. C’est ce qui se produit quand une mesure comme la durée moyenne de traitement (DMT) est érigée en indicateur de performance. Votre objectif est alors d’améliorer la DMT, c’est-à-dire de la réduire. Par conséquent, vous vous féliciterez de voir celle-ci passer de 7’ à 6’18’’, soit une réduction de 10 %. Une belle performance ! À ceci près qu’elle n’a aucun impact sur le niveau de satisfaction des utilisateurs — d’une part, parce que l’amélioration d’une moyenne est imperceptible pour eux ; d’autre part, parce que pour atteindre un objectif sur lequel ils vont être évalués, les techniciens peuvent être tentés de sacrifier la qualité de leurs réponses. Il en résulte potentiellement une baisse de la satisfaction et une réitération des demandes ayant reçu une réponse incomplète ou insatisfaisante — deux conséquences qui impactent négativement la performance globale du support.

 

4/ Pour une approche équilibrée de la performance

 

Les services de support IT doivent absolument apprendre à traduire les résultats de leur action en gains pour l’entreprise. Cela passe par la construction et l’intégration dans le tableau de bord des managers d’indicateurs tels que les temps d’indisponibilité évités ou le taux de résolution effective au premier contact. Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner les indicateurs purement quantitatifs, ceux qui servent à savoir où l’on en est et à piloter l’activité au quotidien. Il s’agit de prendre en compte toutes les dimensions de la performance, de pondérer et d’articuler entre eux les indicateurs qui rendent le mieux compte de chaque dimension de façon à faire le lien entre les enjeux opérationnels de court terme et les enjeux stratégiques.

Il n’y a pas de recette universelle pour cela, mais vous pouvez vous inspirer de la philosophie du Balanced Scorecard, développée par Kaplan et Norton au début des années 1990. Cette approche présente l’avantage de prendre en compte et articuler 4 dimensions fondamentales de la performance :

la dimension « processus internes », qui recouvre tout ce qui est habituellement soumis à SLA et qui relève de l’efficacité organisationnelle et opérationnelle tels que les temps de réponse et de traitement, le nombre de demandes non clôturées, le pourcentage de demandes escaladées, etc.
la dimension « client », qui examine la performance du point de vue des clients du support, c’est-à-dire des utilisateurs, grâce à des indicateurs comme les taux de satisfaction et d’effort client, ou à des indicateurs plus complexes cherchant à embrasser plus largement l’expérience utilisateur ;
la dimension « apprentissage organisationnel » qui doit permettre de suivre les progrès sur des paramètres tels que la montée en compétences des équipes, l’autonomisation des utilisateurs, ou le taux d’adoption des bonnes pratiques en matière de cybersécurité ;
la dimension financière, où il s’agit de mettre en évidence non seulement les économies, mais aussi les gains nets générés, directement ou indirectement, par l’activité Support.

 

S’il fallait ne retenir que deux choses de ce type de démarche, la première serait qu’il n’y a pas de bons KPI dans l’absolu.  La seconde est que vous n’avez pas besoin d’une myriade de KPI. Vous avez besoin d’indicateurs qui reflètent votre stratégie, qui vous aident à la mettre en œuvre et à démontrer que vous créez de la valeur.

>> Si vous êtes convaincus que le support informatique est créateur de valeur, qu’il joue un rôle clé dans la valorisation des investissements matériels et logiciels de votre entreprise en garantissant leur bon fonctionnement et leur utilisation optimale, dotez-vous de KPI qui le prouvent de manière tangible. C’est ainsi que vous échapperez au statut délétère de centre de coût et réussirez à obtenir les moyens humains et matériels indispensables à la réalisation de votre mission.