Si le mot « incentive » vous fait tiquer, c’est sans doute parce que vous l’associez spontanément à une forme ou une autre de gratification financière. À tort, car réduire l’incentive à cette dimension, c’est passer à côté de la vraie question : celle de la motivation profonde de vos techniciens et de ce que vous pouvez faire pour l’entretenir.

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui motive vraiment vos techniciens support ? Comme dans tous les métiers de service à forte composante relationnelle, leur satisfaction au travail repose sur la reconnaissance que devrait leur valoir leur capacité à résoudre les problèmes des utilisateurs, restaurer rapidement les systèmes et maintenir la continuité des activités de l’entreprise. Cette reconnaissance leur est trop souvent déniée : il est bien connu qu’on ne parle jamais du support, si ce n’est pour s’en plaindre… D’où un risque élevé de perte de motivation, voire de démotivation totale, qui ne manque pas de se répercuter sur la qualité globale des services IT de l’entreprise et sur la satisfaction des utilisateurs.

Comment éviter d’en arriver là ou inverser la tendance si vous faites face à ce problème ? En activant les « bons leviers de motivation », ceux qui entretiennent le sentiment d’utilité et de compétence, et en évitant les fausses bonnes idées, en particulier les incitations monétaires individuelles.

1/ Fuyez les incitations pernicieuses !

La psychologie comportementale emprunte aux sciences économiques le concept d’effet d’éviction (ou « crowding-out effect »). Il désigne le phénomène qui se produit lorsque des incitations externes individuelles réduisent la motivation intrinsèque d’une personne à accomplir une tâche ou une action. Ce type d’incitation a une forte propension à transformer en transaction intéressée une activité auparavant perçue comme gratifiante en elle-même.

Dans le contexte du support IT, cet effet est particulièrement pernicieux car il peut radicalement modifier la façon dont le technicien perçoit et appréhende son travail. Concrètement, un technicien habitué à traiter chaque demande avec le même soin et la même attention aux détails peut, sous l’influence d’incitations individuelles basées sur le volume ou la rapidité de traitement, développer ce qu’on appelle des comportements optimisateurs : tendance à privilégier les tickets faciles, à traiter superficiellement les problèmes complexes ou à différer les tâches de fond pourtant indispensables à la stabilité des systèmes.

Introduire des incitations individuelles dans une équipe de support a une forte probabilité d’entraîner :

  • La dégradation de la qualité au profit de la quantité — Les techniciens ont en effet intérêt à privilégier la fermeture rapide des sollicitations au détriment d’une résolution durable, une approche qui induit souvent une charge de travail supplémentaire due à la réouverture des tickets mal traités.
  • L’apparition de comportements non collaboratifs — Les incitations individuelles instaurent une compétition entre des collègues qui devraient au contraire collaborer. Le partage de connaissances et l’entraide sur les cas complexes deviennent des activités « non rentables » pour l’individu, alors qu’elles sont cruciales pour la performance collective.
  • L’abandon des tâches de fond — Les techniciens se concentrent sur les activités mesurées et récompensées au détriment de tâches importantes mais non valorisées telles que la documentation, les actions de prévention ou encore la formation des utilisateurs.
  • L’augmentation du stress et la dégradation du climat de travail — Les techniciens doivent déjà gérer la pression des utilisateurs en difficulté. Y ajouter la pression liée à des objectifs individuels et la compétition entre collègues qui s’ensuit est contre-productif.

2/ Attaquez-vous aux vrais facteurs de démotivation

Si vous voulez maintenir le niveau de motivation de vos techniciens support ou les remotiver, partez des causes les plus fréquentes de démotivation. La première est sans doute la répétitivité des tâches. Si, jour après jour, vos techniciens traitent les mêmes incidents — mots de passe oubliés, problèmes d’imprimantes, dysfonctionnements récurrents de logiciels mal conçus, demandes d’accès refusées… — ils vont inévitablement s’épuiser, avoir le sentiment que leur travail est vain, que leurs compétences techniques sont sous-utilisées. De là à trouver que ce qu’ils font n’a pas grand sens et ne mérite qu’ils s’investissent, il n’y a souvent qu’un pas, que va précipiter la deuxième cause majeure de démotivation des équipes de support : le manque de reconnaissance, tant au sein de la DSI que de la part des utilisateurs. Il ne s’agit pas tant de leur dire « merci » de temps en temps que de faire connaître et reconnaître leur rôle dans le bon fonctionnement de l’entreprise et de valoriser leur contribution à sa performance.

Avant de penser « incentive », attaquez-vous à ces problèmes de répétitivité et de reconnaissance :

  • Penchez-vous sur les fiches de poste de vos techniciens et comparez ce qui y figure avec ce à quoi ils passent réellement leurs journées. Si la gestion des tickets les occupe à plein temps, ne vous étonnez pas de leur manque d’enthousiasme ou d’implication.
  • Repensez les missions de votre équipe support en veillant à ce que chaque technicien puisse en toute légitimité consacrer du temps à la résolution de problèmes de fond, à la documentation, à la veille ou à sa propre formation.
  • Donnez à vos techniciens la latitude de choisir leurs outils, d’organiser leur travail et de proposer des améliorations.
  • Mettez en lumière leur expertise, leurs initiatives et l’impact de leur travail. Cela passe par des présentations d’équipe lors des séminaires internes, la participation à des projets transverses, la formation d’autres collaborateurs et, pour les contributions exceptionnelles, par une reconnaissance publique de la part du top management.

3/ Des incentives qui développent la motivation intrinsèque et collective 

En travaillant sur les sujets qui précèdent, vous réduisez significativement les principaux risques de démotivation et de désengagement. C’est un préalable organisationnel et managérial indispensable pour instaurer une nouvelle dynamique. Ce n’est que dans un deuxième temps que vous pour pourrez renforcer la valeur ajoutée du support en faisant appel aux techniques d’incentive qui ont fait leur preuve dans d’autres métiers de service. Ces techniques ont en commun, d’une part, de s’adresser au collectif et non à l’individu et, d’autre part, de prendre pour moteur la motivation intrinsèque.

La plus intéressante dans le cadre d’un service de support, la plus facile aussi à mettre en œuvre, est la « méthode des challenges ». Elle consiste à laisser l’équipe de support choisir elle-même des objectifs d’amélioration du service rendu et/ou de son propre fonctionnement, et le temps qu’elle se donne pour atteindre chaque objectif. Les objectifs peuvent être qualitatifs ou quantitatifs. L’essentiel est qu’ils soient formulés de manière positive pour l’équipe, par exemple : « dans 3 mois, nous aurons divisé par 2 les demandes relatives à Teams » (parce qu’elles ont explosé et nous prennent trop de temps). Le challenge consiste à faire le nécessaire pour y parvenir : dans ce cas spécifique, ce peut être former les utilisateurs, créer un tutoriel, automatiser les mises à jour de l’application, la réinstaller sur certains PC, … La diversité des actions permet à chacun de s’engager à la hauteur qu’il souhaite et selon ses préférences pour concourir à l’atteinte de l’objectif commun.

Ce qui fait toute la valeur de ces « challenges » collaboratifs, c’est l’absence d’injonction extérieure, le libre choix des sujets à traiter et des moyens, et la possibilité pour chacun de valoriser des compétences sous-utilisées et d’en acquérir de nouvelles.

>> Néanmoins, pour qu’une telle méthode porte ses fruits, tant en termes de motivation que d’amélioration continue du service rendu, elle doit impérativement recueillir l’assentiment et le soutien de l’échelon managérial.

>> En tant que DSI ou responsable d’un service de support, êtes-vous prêt à tenter l’expérience et, donc, à lever les obstacles à sa mise en œuvre par et pour vos équipes ?