Diagnostiquer un ticket Support reste souvent une opération lente, imprécise et dépendante de l’intuition du technicien.
Pourtant, l’enjeu est clair : comprendre vite pour traiter juste. Or dans beaucoup d’organisations, les équipes Support travaillent avec une vision partielle du contexte. L’historique du poste, les incidents passés, les modifications récentes ou même les dépendances techniques sont rarement disponibles de façon structurée et exploitable. Résultat : une perte de temps, des erreurs de qualification, et des boucles d’escalade évitables.

Pourtant, les outils existent. Deux leviers sont trop peu mobilisés dans une logique de diagnostic : la gestion de la connaissance, et la CMDB. Le premier permet de capitaliser sur les cas déjà traités, d’éviter de “réinventer” une résolution à chaque fois. Le second, quand il est bien structuré et maintenu, devient un support puissant pour comprendre le périmètre réel d’un ticket. En croisant les deux, on peut transformer un diagnostic, souvent artisanal, en une démarche structurée, outillée et partagée.

 

1/ Les diagnostics restent (malheureusement) souvent artisanaux

 

Dans la majorité des environnements IT, le diagnostic d’un ticket repose encore largement sur l’expertise individuelle du technicien. Faute d’outils intégrés ou de données consolidées, l’analyse d’un incident démarre souvent à blanc. L’historique du poste ou de l’utilisateur n’est pas toujours disponible, ou dispersé entre plusieurs outils. Les incidents similaires, pourtant précieux pour orienter l’investigation, ne sont que rarement visibles ou corrélés automatiquement.

La documentation technique est souvent incomplète, mal indexée, ou éparpillée sur plusieurs supports. Cela alourdit la phase de recherche d’informations et pousse les techniciens à s’appuyer sur leurs seuls réflexes, leur mémoire, ou leurs collègues. Cette dépendance à l’expérience individuelle crée des écarts de traitement importants d’un agent à l’autre, et complexifie le transfert de connaissances au sein des équipes.

Enfin, la pression pour clôturer rapidement les tickets, souvent mesurée via des indicateurs de délai ou de volume, pousse à court-circuiter l’analyse et escalader trop tôt. Le risque est alors souvent de traiter le symptôme sans adresser la cause réelle, ce qui alimente les réouvertures ou les incidents récurrents.

Sans structuration ni outillage adapté, le diagnostic reste donc un acte fragile, dépendant de facteurs humains plus que de processus partagés.

 

2/ La gestion de la connaissance

 

Dans une approche ITSM structurée, la gestion de la connaissance ne se limite pas à produire de la documentation technique. Elle vise à capturer, structurer et diffuser l’expérience acquise par les équipes support au fil des tickets, incidents et changements. Pourtant, dans la pratique, cette capitalisation reste marginale. Les bases de connaissances sont souvent partielles, mal organisées ou déconnectées des outils opérationnels. Peu consultées, peu maintenues, elles deviennent obsolètes rapidement et perdent leur valeur.

Documenter les résolutions de tickets permet pourtant de créer un socle de réponses concrètes aux incidents/problèmes récurrents. Ce sont ces résolutions, enrichies, validées, contextualisées, qui permettent à un technicien de niveau 1 de résoudre efficacement un incident qu’un niveau 2 a déjà traité. À condition que ces contenus soient à jour, pertinents et liés aux bons types de tickets, ces aides automatisées peuvent considérablement accélérer le diagnostic.

La gestion de la connaissance prend toute sa valeur lorsqu’elle s’appuie sur des objets techniques précis. C’est là que la CMDB entre en jeu. Rattacher un article de résolution à un Élément de Configuration (Configuration Item – CI) et à un type d’incident permet de contextualiser la réponse. Ce croisement entre documentation et configuration permet une recherche ciblée et pertinente. Un incident sur un serveur, une application ou une imprimante peut ainsi faire ressortir immédiatement les résolutions déjà appliquées sur des éléments similaires.

Structurer cette boucle d’apprentissage continue, c’est réduire la dépendance à l’intuition, fiabiliser le diagnostic et professionnaliser durablement l’activité du support. C’est aussi poser les bases d’une montée en compétence collective, progressive et réutilisable.

 

3/ Conditions pour que la CMDB devienne un outil de diagnostic

La CMDB est souvent perçue comme un projet lourd, documentaire, destiné aux architectes ou à la gouvernance. Pourtant, bien construite, elle peut devenir un exceptionnel outil d’aide au diagnostic opérationnel pour les équipes support. Encore faut-il qu’elle soit pensée pour cela, avec un périmètre maîtrisé, des données à jour, et des usages concrets.

Une CMDB utile avant d’être exhaustive

L’erreur fréquente consiste à viser l’exhaustivité dès le départ. Or une CMDB n’a pas besoin de tout contenir pour être utile !
Elle doit d’abord couvrir les périmètres critiques, ceux sur lesquels repose la continuité de service, et ceux qui génèrent le plus de tickets. Un référentiel partiel mais fiable est bien plus exploitable qu’un référentiel complet mais obsolète. Cela suppose de prioriser les Éléments de Configuration réellement utiles au diagnostic : postes utilisateurs, serveurs, imprimantes, applications, services, dépendances clés.

Appuyer la CMDB sur des données vivantes via API

Une CMDB figée est inutile. Pour qu’elle serve le diagnostic, elle doit être alimentée régulièrement par des données fiables. L’intégration d’outils de discovery, de supervision ou de télégestion permet d’automatiser une partie de la mise à jour. Sans cela, la charge de maintenance manuelle rend le modèle intenable. Les outils ne doivent pas tout faire, mais ils doivent permettre de vérifier et d’alerter sur les écarts entre le référentiel attendu et la réalité du terrain.
Les architectures microservices et la tendance à l’APIsation des dernières années ouvrent la voie à de nouvelles possibilités pour les CMDB, raison pour laquelle nous voyons de nombreux projets de la sorte revoir le jour suite à d’anciennes difficultés de maintenance.

Former les équipes à l’usage quotidien

Une CMDB peut être parfaitement modélisée sans jamais être utilisée.
Le support doit être formé non pas à administrer la CMDB, mais à l’exploiter : naviguer dans les dépendances, rechercher un historique de changements sur un Élément de Configuration, visualiser les liens entre un utilisateur, un équipement, un réseau et un service. Cela suppose une interface simple, intégrée à l’outil de gestion des tickets, avec des vues orientées diagnostic.

Visualiser les dépendances et les changements récents

Pour que le diagnostic gagne en efficacité, la CMDB doit permettre de répondre rapidement à deux questions : de quoi ce CI dépend-il ? Et qu’est-ce qui a changé récemment ? Ces deux éléments sont clés dans l’analyse d’un incident. L’historisation des événements techniques sur le périmètre concerné devient alors un outil d’investigation rapide.

4/ Conclusion

Intégrer la CMDB et la gestion de la connaissance dans les pratiques de diagnostic permet de gagner en efficacité sans complexifier l’activité du support. L’identification du périmètre devient plus rapide grâce à une vision claire des Éléments de Configuration, de leurs dépendances et des changements récents. Cela limite les erreurs de qualification, les escalades prématurées et les pertes de temps liées à la recherche d’informations éparses.

Cette structuration permet aussi de mieux repérer les incidents récurrents ou systémiques, et d’alimenter plus facilement la gestion des problèmes. Le lien entre incident, actif et changement renforce la traçabilité, essentiel pour fiabiliser les analyses et capitaliser les retours d’expérience.

Il ne s’agit pas de viser la perfection outillée, mais de créer un socle exploitable, connecté aux réalités du terrain. Ce sont ces pratiques partagées qui font évoluer le support d’une logique de réaction (mode pompier) à une logique d’investigation (proactivité).