Cette année, SMTP, le protocole utilisé partout dans le monde pour l’envoi du courrier électronique, aura 40 ans. C’est en grande partie grâce à lui que l’email a pu devenir un moyen de communication universel et, en outre, s’imposer dans les entreprises pour les échanges tant internes qu’externes. Si ses immenses avantages –simplicité, rapidité, traçabilité –ont valu à l’email une adoption massive, ce succès s’est accompagné d’une dérive majeure: l’utilisation croissante de l’email comme «outil à tout faire», faute de mieux, avec pour conséquences:
- l’explosion du nombre de messages reçus chaque jour par chaque collaborateur, dont un pourcentage significatif de messages ne le concernant pas directement, en raison de la pratique trop courante de «mettre en copie» de multiples destinataires, souvent plus pour «se couvrir» que pour informer;
- une augmentation du temps quotidien consacré à la prise de connaissance et au traitement des e-mails, notamment chez les cadres et plus encore chez les patrons de PME qui sont tenus au courant de «tout» par mail ;
- l’envoi des documents de travail sous formes de pièces jointes, engendrant une multiplication des versions en circulation et l’impossibilité de savoir laquelle est la dernière;
- la transformation des boîtes mails individuelles en autant d’espaces de stockage et de bases de données échappant à une gestion rigoureuse des connaissances et ressources documentaires de l’entreprise.
Fabuleux outil de communication écrite, l’email est néanmoins identifié comme une source majeure de stress au sein des entreprises. Dès le début des années 2000, on a vu se multiplier les études sur le sujet et plus encore les articles où témoignent des salariés, en particulier des cadres, victimes du «stress de l’email». Ce stress est une réalité, mais l’email en lui-même n’y est pour rien! Ce n’est pas la technologie qui est en cause, mais bien l’usage qui en est fait –en l’occurrence, le mésusage consistant à l’utiliser «pour tout», notamment comme outil de management direct.
En raison du poids de l’email dans l’organisation du travail et les relations entre managers et managés, chacun se sent obligé de consulter sa boîte mail à tout moment, afin de ne laisser passer aucun message important (ou étiquetés comme tels) et de répondre sur-le-champ aux messages «urgents». La contrepartie n’est pas un gain d’efficacité, mais, pour de nombreux salariés, une dispersion de l’attention et une fragmentation du temps productif qui se traduisent par des retards et une course permanente contre le temps. S’y ajoute, depuis que les boites mail professionnelles sont accessibles hors des murs de l’entreprise, un débordement de la sphère professionnelle dans la sphère privée: pour ne pas être complètement submergés ou pour écluser les retards, on gère ses mails à la maison, le soir et le week-end.
Nombre d’entreprises ont essayé de remédier au problème en édictant des règles de «bon usage de l’email» ou, de façon plus anecdotique, en instaurant des «jours sans emails internes». Mais on ne change pas des habitudes solidement installées avec ce type de mesures. Surtout, on ne les change pas sans proposer d’alternative crédible à l’email et –point fondamental –sans faire évoluer le management.
L’offre technologique a fortement évolué au cours des cinq dernières années, avec l’apparition de solutions collaboratives qui permettent de détourner de l’email une part significative des messages et communications liés à l’organisation et à l’exécution quotidiennes du travail. Les grandes entreprises ne sont pas les seules à se tourner vers ces solutions. Le Baromètre France Num 2021 (Direction générale des entreprises –CRÉDOC) montre, d’une part, qu’un pourcentage considérable de TPE-PME utilise déjà des outils réduisant le recours systématique à l’email et, d’autre part, que la crise du covid a accéléré l’adoption de ces outils qui ont vocation à faciliter le travail à distance:
- 43% des TPE-PME interrogées utilisent une plateforme cloud pour l'échange et le partage de documents entre collaborateurs (iCloud, Google Drive, Microsoft OneDrive...).Elles étaient 17 % avant la pandémie.
- 33% utilisent des outils de collaboration professionnelle (Teams, Slack, HipChat...), contre 21 % avant la pandémie.
- 80% utilisent une solution numérique pour l’organisation du travail, principalement une messagerie instantanée(type Skype, WhatsApp...)
Bien au-delà de la réduction des quantités d’emails reçus et envoyés, ces outils transforment les façons de travailler, notamment en faisant de l’équipe –et non de l’individu –l’unité de base de l’organisation. Avec une plateforme comme Teams, chaque équipe trouve, dans un espace dédié auquel seuls ses membres ont accès, tous les outils nécessaires pour communiquer (chat, visio), travailler ensemble sur des documents, produire et partager du contenu. Les contenus sont centralisés, seules les personnes concernées y ont accès et sont notifiées si un membre de l’équipe modifie un document, en ajoute un nouveau ou pose une question via le chat.
Les outils collaboratifs sont d’autant plus facilement acceptés et adoptés que l’entreprise se donne les moyens d’accompagner ses collaborateurs dans la découverte de leurs possibilités et des avantages concrets qu’ils apportent. Si les formations permettent de comprendre la logique et de découvrir les principales fonctionnalités d’un nouvel outil, elles suffisent rarement pour faire oublier avec les vieilles habitudes, typiquement envoyer un document de travail en pièce jointe d’un mail adressé à toute l’équipe. Deux facteurs contribuent véritablement à l’ancrage de nouveaux usages numériques:
- Le rôle moteur des managers. Si votre manager est le premier à utiliser le chat plutôt que l’email pour vous poser une question ponctuelle, il vous paraîtra naturel de lui répondre dans le chat. De même, s’il utilise l’agenda partagé pour fixer les dates de réunion plutôt que de multiplier les échanges de mails avec les différents participants concernés pour trouver la date qui convient à tous, vous serez incité à tenir votre agenda à jour et à procéder de même pour fixer vos rendez-vous –tout simplement parce que c’est infiniment plus rapide!
- La possibilité de se faire aider à tout moment. Les outils actuels sont intuitifs, mais ils sont aussi très riches. Si vous ne savez pas vers qui vous tourner quand vous ne savez pas comment faire telle ou telle chose dans votre outil collaboratif, vous serez plus que tenté de retourner à vos anciennes manières de faire. Si, au contraire, vous pouvez contacter en un clic une personne ressource, interne ou externe, à chaque fois que vous vous posez une question ou que vous rencontrez une difficulté, vous serez de plus en à l’aise avec vos nouveau outils de travail, de plus en plus autonome et il ne vous viendra plus à l’idée de regretter les anciennes pratiques.
Si l’email est aujourd’hui utilisé à tort et travers, c’est en grande partie parce que chacun en fait ce qu’il veut. Les seuls domaines où l’administrateur intervient sont la création des adresses mail, la gestion du registre des mots de passe et la gestion des sauvegardes. Pour le reste, les utilisateurs sont libres: libres d’envoyer 500 messages par jour, libres de mettre toute la société en copie, libres de recevoir des mails personnels à leur adresse professionnelle, libres de conserver ou supprimer tels ou tels messages, libres d’organiser leur boîte mail comme ça leur chante...
Rien de tel avec les plateformes collaboratives avancées telles que Teams, dont l’utilisation efficace passe obligatoirement par la mise en place d’une gouvernance rigoureuse. Cette gouvernance fixe les règles d’accessibilité, d’authentification et de sécurité ainsi que la politique de sauvegarde. Elle consiste très concrètement à définir «qui a le droit de faire quoi» sur la plateforme et au sein des différents espaces partagés: qui peut créer une équipe? Qui peut créer, modifier, consulter, supprimer telle catégorie de documents dans tel espace? Qui peut inviter une personne extérieure à l’équipe? Etc. S’il est techniquement possible de définir très finement les droits individuels des utilisateurs, il est souvent plus efficace de s’en tenir à 3 ou 4 profils types qui seront beaucoup plus faciles à gérer dans la durée.
La mise en place d’outils collaboratifs ne signe pas l’arrêt de mort de l’email! Ce n’est d’ailleurs pas du tout l’objectif, qui est en réalité bien plus ambitieux: il s’agit de faire évoluer les façons de travailler et d’améliorer tant la productivité que le confort de travail des équipes grâce à des outils fondamentalement conçus pour la collaboration –ce qui, rappelons le, n’a jamais été le cas de l’email. Point non négligeable, l’adoption d’outils collaboratifs est aussi un atout vis-à-vis des plus jeunes qui, en toute logique, s’attendent à ce que l’entreprise leur permette de travailler avec les outils de leur temps, offrant une expérience utilisateur comparable à celle des applications digitales qu’ils utilisent à titre privé.
L’email ne disparaît pas pour autant! Il conserve toute son utilité et toute sa pertinence pour certains types de communications: les échanges formels avec les clients; les communications internes à caractère personnel ou confidentiel exigeant un accusé de réception; la transmission de documents ou d’informations dont on veut avoir une preuve horodatée... Si vous explorez votre boite mail aujourd’hui, vous constaterez que ce type de messages est très minoritaire. Et si vous déployez dans de bonnes conditions une plateforme collaborative qui vous évite l’envoi et la réception des mails d’organisation, de coordination, de prise de rendez-vous, d’envoi de documents de travail, etc. vous n’aurez plus aucune raison de consulter vos mails toutes les 5 minutes. Deux ou trois fois par jour suffiront largement !